Le traitement préventif des copropriétés fragiles : le mandat ad hoc

Auteurs : Philippe MARIN, avocat expert en droit de la copropriété
Publié le : 15/06/2024 15 juin juin 06 2024

Instauré par la loi Molle du 25 mars 2009, le mandat ad hoc, objet des articles 29-1 A, B et C de la loi du 10 juillet 1965, était conditionné à l’atteinte de certains seuils d’impayés  (25 % des sommes exigibles et 15 % pour les copropriétés constituées de plus de 200 lots), et n’a été que très peu utilisé jusqu’à ce jour (l’étude d’impact du projet de la loi « habitat dégradé » du 9 avril 2024, a recensé qu’en 2022 les tribunaux judiciaires n'ont été saisis que de 56 demandes de désignation d'un mandataire ad hoc).  les syndics ne voyant pas l’intérêt de ce dispositif, peu connu, et alors que le taux d’impayés à l’instant de la clôture des comptes ne constitue pas en soi, à défaut d’indices complémentaires, un critère suffisant pour justifier la désignation d’un mandataire ad hoc.

Pour autant, l’intervention d’un tiers compétent, en la personne du mandataire ad hoc, dans une copropriété qui connait des difficultés financières est une solution préventive qui mérite sans aucun doute d’être déployée pour explorer des pistes de rétablissement de l’équilibre financier avant que la sécurité de l’immeuble soit compromise. C’est le sens de la mission qui lui est confiée par l’article 29-1 B et qui se traduit par le dépôt d’un rapport présentant l'analyse du fonctionnement des instances de la copropriété, de la situation financière du syndicat des copropriétaires et de l'état de l'immeuble, ainsi que les préconisations faites pour rétablir l'équilibre financier du syndicat et, le cas échéant, assurer la sécurité de l'immeuble, ainsi que le résultat des actions de médiation ou de négociation qu'il aura éventuellement menées avec les parties en cause. Ce rapport est notifié par l’administrateur ad hoc au Président du tribunal, avant d’être adressé par le greffe du tribunal judiciaire au syndic, au conseil syndical, au maire de la commune et au représentant de l’Etat dans le département.

S’il constate d'importantes difficultés financières ou de gestion, le mandataire ad hoc doit saisir le président du tribunal judiciaire aux fins de désignation d'un administrateur provisoire en application de l'article 29-1 à qui la loi confère des pouvoirs étendus et met à disposition des outils adaptés à sa mission de redressement de la copropriété, avant qu’il ne soit trop tard.

L’élargissement des cas d’ouverture
Afin de favoriser les mesures préventives, la loi « habitat dégradé » du 9 avril 2024 a modifié l’article 29-1 A pour élargir la désignation d’un mandataire ad hoc au cas d’une absence de décision d’assemblée générale clôturant les comptes depuis au moins deux ans.
Ainsi, dès l’instant où le seuil légal d’impayés est atteint ou en l’absence de vote sur l’approbation des comptes depuis au moins deux ans, le syndic est dans l’obligation de saisir sur requête le juge d'une demande de désignation d'un mandataire ad hoc.

Une obligation pour le syndic
Le caractère obligatoire de cette saisine du juge par le syndic résulte de la rédaction de l’alinéa 1 de l’article 29-1 A qui utilise la forme impérative, et de la sanction prévue à l’article 29-1 II, dernier alinéa qui prévoit que le syndic qui ne saisit pas ou tarde à saisir le président de la juridiction, ce qui a pu contribuer à aggraver la situation du syndicat, peut se voir imputer par le Président du tribunal judiciaire tout ou partie des frais de l'administration provisoire au syndic, après audition du syndic et du conseil syndical et sur le rapport de l'administrateur provisoire.

Dans l’attente du décret d’application, on peut s‘interroger sur la modalité de saisine du Président du tribunal judiciaire et sur la forme de la décision sanctionnant le syndic défaillant.

Par ailleurs, afin de diversifier les modalités de saisine du juge, le législateur a prévu qu’en l’absence d'action du syndic dans un délai d'un mois à compter de la clôture des comptes, ou en l'absence de vote de l'assemblée générale sur l'approbation des comptes depuis au moins deux ans, le Président du tribunal peut être saisi, d’une demande de désignation d’un mandataire ad hoc par des copropriétaires représentant, ensemble, au moins 15% des voix du syndicat ou par le président du conseil syndical. Un créancier peut également lorsque les factures d'abonnement et de fourniture d'eau ou d'énergie ou les factures de travaux, votés par l'assemblée générale et exécutés, restent impayées depuis six mois et si le créancier a adressé au syndic un commandement de payer resté infructueux.

Historique

  • L’insaisissabilité des sommes versées par l’administrateur provisoire à la Caisse des dépôts et consignations
    Publié le : 23/08/2024 23 août août 08 2024
    Actualité copropriété
    Depuis la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024, aucune procédure d'exécution, de quelque nature qu'elle soit, ne peut être exercée sur les sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations par l'administrateur judiciaire dans l'exercice de son mandat d'administrateur provisoire au titre des missions accomplies sur le fondement des articles 29-1 à 29-14.
  • Le traitement préventif des copropriétés fragiles : le mandat ad hoc
    Publié le : 15/06/2024 15 juin juin 06 2024
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    Afin de favoriser les mesures préventives, la loi « habitat dégradé » du 9 avril 2024 a modifié l’article 29-1 A pour élargir la désignation d’un mandataire ad hoc au cas d’une absence de décision d’assemblée générale clôturant les comptes depuis au moins deux ans.

    L'article 29-1 II, dernier alinéa prévoit que le syndic qui ne saisit pas ou tarde à saisir le président de la juridiction, ce qui a pu contribuer à aggraver la situation du syndicat, peut se voir imputer par le Président du tribunal judiciaire tout ou partie des frais de l'administration provisoire au syndic, après audition du syndic et du conseil syndical et sur le rapport de l'administrateur provisoire
  • Le quitus donné au syndic ne prive pas le copropriétaire de rechercher la responsabilité délictuelle du syndic
    Publié le : 18/05/2024 18 mai mai 05 2024
    Actualité copropriété
    Dans un arrêt du 29 février 2024 de la troisième chambre civile publié au bulletin, la Cour de cassation rappelle que le quitus donné par l'assemblée générale des copropriétaires est sans effet sur la responsabilité délictuelle du syndic vis-à-vis d'un copropriétaire (Cass. 3e civ. 29-2-2024 n° 22-24.558 FS-B).
  • Les outils exceptionnels à la disposition des administrateurs provisoires pour redresser les copropriétés en difficulté
    Publié le : 11/02/2024 11 février févr. 02 2024
    Actualité copropriété
    Les outils exceptionnels à la disposition des administrateurs provisoires pour redresser des copropriétés en difficulté.

    Afin de remplir la mission judiciaire qui lui a été confiée de rétablir le bon fonctionnement d’une copropriété, l’administrateur provisoire dispose de pouvoirs exorbitants du droit commun de la copropriété. Conformément à l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, le juge lui confie les pouvoirs du syndic, de l’assemblée générale, à l’exception de ceux prévus aux a) et b) de l’article 26, et du conseil syndical.

    La Cour de cassation a été amenée à préciser que ses décisions ne peuvent pas faire l’objet de contestation (Cass. 3e civ., 13 avr. 2022, n° 21-15.923, FS-B).

    Toutefois, ces pouvoirs peuvent dans certains cas être insuffisants et l’administrateur doit alors avoir recours aux outils exceptionnels qui sont mis à sa disposition dans la loi pour contourner les blocages juridique et économique qui entravent la sortie de crise.
    Il s’agit de parvenir à restituer aux copropriétaires une autonomie et une capacité à vivre et décider ensemble.
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