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Changement de destination d'un lot et point de départ de la prescription

Auteur : Philippe MARIN
Publié le : 06/11/2022 06 novembre nov. 11 2022

Cour de cassation, 3e chambre civile, 20 Mai 2021 – n° 20-15.449

Les actions personnelles nées de l'application de la loi du 10 juillet 1965 entre les copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de 5 ans et le point de départ de ce délai doit être fixé à la date à laquelle les copropriétaires ont eu la connaissance de l'infraction au règlement de copropriété, et non au jour de l'infraction.

Faits et procédure

L'Association marocaine sportive et culturelle des musulmans de Corse (l'association) est propriétaire, dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, de lots à usage commercial.

Les consorts P., copropriétaires, l'ont assignée, ainsi que le syndicat des copropriétaires de la Résidence Triana (le syndicat), en cessation de l'usage cultuel donné à ces lots et en rétablissement de leur usage d'origine.

Réponse de la Cour

La Cour d'appel a énoncé à bon droit que les actions personnelles nées de l'application de la loi du 10 juillet 1965 entre les copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans (aujourd’hui 5 ans) et que le point de départ de ce délai doit être fixé à la date à laquelle les copropriétaires ont eu la connaissance de l'infraction au règlement de copropriété.

Elle a, sans se contredire, souverainement retenu que, si les nombreuses attestations produites par l'association établissaient qu'elle avait effectivement occupé ses lots de copropriété comme lieu de culte, il ne s'évinçait pas de leur contenu qu'avant la tenue de l'assemblée générale du 9 novembre 2015, au cours de laquelle avait été évoqué pour la première fois, par le syndicat, le changement de destination desdits lots par l'association, les autres copropriétaires requérants en avaient eu connaissance.

Ayant ainsi fixé le point de départ du délai de prescription à la date de tenue de ladite assemblée générale, elle en a exactement déduit que l'action des consorts P. était recevable.

Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

La cour d'appel a retenu que, la résidence étant destinée à l'habitation bourgeoise, avec une activité libérale ou commerciale autorisée, la limitation par le règlement de copropriété des activités pouvant être exercées dans les locaux commerciaux afin qu'elles n'affectent en rien la tranquillité des copropriétaires était justifiée par la destination de l'immeuble.

Elle a estimé souverainement, sans dénaturation, que l'association avait transformé les locaux commerciaux qu'elle louait en une salle de prière dans laquelle y étaient célébrés un culte religieux et des cérémonies et, répondant aux conclusions prétendument délaissées, qu'il résultait de la pétition établie par les copropriétaires et des attestations rédigées par trois d'entre eux qu'ils étaient constamment gênés par l'occupation de leur parking par les fidèles venant prier plusieurs fois par jour, par des nuisances sonores matinales tôt et tard en soirée, ainsi que par le nombre des allées et venues des fidèles, sans que les constatations recueillies par voie d'huissier de justice à la demande de l'association et minimisant les troubles induits par son activité soient suffisantes à remettre en cause leur existence et leur importance.

Ayant ainsi caractérisé le caractère anormal du trouble dont elle a constaté l'existence, elle a pu retenir que tant l'atteinte à la tranquillité de l'immeuble, prohibée par le règlement de copropriété, que les nuisances occasionnées par l'activité de l'association devaient entraîner la restitution des locaux à leur usage commercial et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Note :

La jurisprudence a évolué sur la question du point de départ de la prescription.

Elle jugeait auparavant que le point de départ de la prescription était le jour de la violation du règlement de copropriété (Cass. 3e civ., 23 avr. 2013, n° 12-16.648) ou le jour de la survenance d'un dommage (Cass. 3e civ., 16 déc. 2008, n° 07-21.666), pour dans un second temps évoluer pour retenir que le point de départ était la date à laquelle les parties ont pu connaître les dommages et non le jour où ceux-ci sont apparus (Cass. 3e civ., 19 nov. 2015, n° 14-17.784).

Ainsi, si le délai de prescription de 10 ans s’est réduit à 5 ans depuis la loi Elan, le point de départ est retardé à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, conformément à l’article 2224 du Code civil.

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